Quel est le coût d’une adoption ?

Clémentine Rodriguez

 

 

L’argent est un sujet peu anodin et qui peut se révéler sans noblesse.

Trop souvent, la pudeur, le souci de discrétion, la fierté ou même parfois la honte se conjuguent à son égard, chacun écartant plus ou moins consciemment ce paradoxe financier sur l’adoption.

 

L’argent ne peut cependant être ainsi tenu à l’écart d’une réflexion proposée aux adoptants. Car adopter a un coût réel, et la décision ne doit pas être prise à la légère.

Acteurs de leur adoption, les adoptants le seront d’autant mieux qu’ils auront à cœur de se pencher sur le rôle et l’impact de l’argent en tant qu’un des organisateurs de leur projet.

 

Quel impact en termes « financiers » et partant, sur le lien adoptif, l’argent peut-il avoir ? Comment l’enfant lui-même perçoit-il le rôle de l’argent dans sa venue vers et dans sa famille ?

Qu’elle soit symbolique, réelle, ou simplement imaginaire, la valeur donnée à l’argent a toute sa place sur la scène de l’adoption internationale.

 

 

Rencontre avec deux personnes ressources de ce dossier :

Mr Morel, jeune parent adoptif et Melle Pardini jeune fille adoptée.

 

Première interview : Mr Morel, l’adoptant

 

Dans quel pays avez-vous adopté votre enfant ?

J’ai adopté une petite Colombienne.

 

Pourquoi avoir choisi d’adopter à l’étranger ?

L’adoption en France est trop compliquée, il y a énormément de demandes, et la priorité est donnée aux jeunes couples qui adoptent (à partir de 28 ans).

 

Comment avez-vous choisi votre organisme d’adoption ? Y’a-t-il un marché ?

Nous avons choisi un organisme qui travaille uniquement avec les pays qui ont signés la convention de la Haye (pays qui garantissent les droits de l’enfant) (1).

En France : AFA (Agence Française de l’Adoption)

En Colombie : ICBF (Institutio Colombiano del Bienestar Familial)

 

Quelles ont été les grandes étapes d’adoption ?

Ma première démarche d’adoption fût affective et psychologique, dans le sens où il a fallut se préparer à franchir le pas de l’adoption.

Ensuite, administrative : il faut retirer un dossier de demande d’adoption à la Maison du Département (ici Lyon). Puis réunir les pièces. Ensuite nous avons obtenu l’obtention de l’agrément d’adoption. S’en est suivi des enquêtes psychologiques. Une étude du dossier d’adoption par l’organisme du pays concerné. L’acceptation du dossier (ce qui ne signifie pas obtenir un enfant !!). Puis on nous a fait des propositions pour un enfant et pour finir le « grand voyage ».

 

Combien de fois vous êtes vous rendu sur le lieu d’adoption ? Combien d’argent avez-vous dépensé à chaque fois ?

Je ne me suis rendu qu’une seule fois sur le lieu d’adoption car c’est la règle pour les pays qui ont signé la convention de la Haye (DON interdit !!!).

 

Combien de temps à duré l’adoption au total ?

Elle a durée 4 ans et demi.

 

Quel a été le prix total de votre adoption ?

10 000 à 12 000 €

 

Aviez-vous fait des économies avant de prendre la décision d’adopter ? Saviez-vous que cela coutait aussi cher ?

Les économies ont été programmées dès la décision prise et se sont poursuivies durant toute la procédure. Le coût est connu à l’avance pour un pays qui a signé la convention de la Haye à 10-20%.

 

Les organismes vous préviennent-ils à l’avance du prix d’une adoption ? Où ce sujet reste tabou ?

Ont connaissait à l’avance les coûts des différentes procédures, c’est d’ailleurs cela qui a établi le choix de l’organisme. Cependant les coûts des imprévus ne sont pas communiqués comme le taux de change de l’Euro pour un pays hors UE.

 

Paye t-on réellement son enfant ?

On paye une procédure, une vie n’a pas de prix !!

 

Moment privilégié qu’a été ma rencontre avec ce professeur et son récit de vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Pour tous ceux qui s’aiment, l’amour est le même, l’amour n’a pas de couleur ». Extrait de la chanson La Chapelle de Harlem, Jeanne Manson.

 

Seconde interview : Melle Pardini, l’adoptée

 

A présent, orientons nous du coté de cette jeune femme de 20 ans, adoptée à l’âge de 5 mois, par des parents adoptifs qu’elle qualifie de « héros ».

 

De quel pays es-tu originaire ?

Je suis née à Djibouti et j’ai des origines Ethiopienne.

 

As-tu de eu (ou as-tu) des nouvelles de ta famille biologique ?

Mes parents m’ont toujours dis (ainsi qu’à ma sœur) que nous avions été adoptées et que si nous voulions faire des recherches sur nos origines, sur nos familles biologiques, on pourrait sans problème.

 

N’as-tu jamais ressenti le besoin de renouer le contact avec tes parents biologiques ?

Alors comme je l’ai expliqué un peu avant, je pourrais sans aucun problème, mais je n’en ressens absolument pas le besoin. Pour moi, mes parents adoptifs sont mes parents biologiques et c’est comme ça, cela ne changera pas. Ce qui n’empêche pas plus tard, si je le souhaite, faire des recherches.

 

Sais-tu pourquoi tes parents biologiques ont voulus te faire adopter ?

Non, mais connaissant les conditions de vie de mon pays, je n’ose même pas imaginer. Il ne faut pas le voir comme un « débarras », si j’ose dire, certains parents n’ont pas le choix. Pour nous c’est difficile à comprendre.

 

Etais-tu dans un orphelinat ?

Oui j’étais dans un orphelinat, à Angers, en France. Mes parents sont venus à Angers nous chercher.

 

Que penses-tu personnellement de l’adoption ?

Pour moi c’est un acte, un geste merveilleux. Je souhaiterais également adopter plus tard. Mais ce n’est pas parce que j’ai été adoptée que j’ai ce raisonnement. Par rapport à ta question, j’essaye d’y répondre au mieux, mais ai-je assez de recul ?

 

Te sens-tu différente des autres ?

Je dirais que oui, mais chaque personne est unique non ? Mais cela n’a aucun rapport avec mon adoption.

 

Tes parents adoptifs te parlent t-ils souvent de l’adoption ?

On en parle, tu sais par exemple lorsqu’il y a des émissions à la télévision qui traite de ce sujet, mes parents regardent toujours. Ils sont passionnés par l’Afrique, par tout ce qui concerne ce continent.

 

Sais-tu que tes parents adoptifs ont payés pour t’adopter ? Que ressens-tu ?

 La question que tu me pose peut choquer. Tu sais le fait de « payer ». Cela dit l’argent ne va n’importe où non plus. C’est cela qui est bien, qui est important.

 

As-tu un ordre d’idée du prix que tes parents ont payé pour t’adopter ?

Non, pas du tout.

 

As-tu des souvenirs malheureux ?

Je crois que je suis la personne la plus heureuse. Cependant j’ai mal pour l’Afrique, j’ai mal pour ces gens qui n’ont rien. Il y a une partie d’eux en moi. Leur misère me touche, mais comme toute personne ayant un cœur je crois…

 

As-tu toujours été bien intégrée à ta famille adoptive ?

Oh que oui, depuis toujours. C’est ma famille. Il n’y a rien de plus important à mes yeux que ma famille.

 

Sais-tu pourquoi tes parents ont voulu adopter ?

Mes parents ont toujours voulu adopter, et mon frère a beaucoup insisté.

 

Une seconde rencontre émouvante vécue avec cette personne souriante et pleine de vie et qui a beaucoup appréciée à être impliquée dans ce sujet qui la concerne et l’émeu.

 

 

L’argent et l’aspect « tabou » de l’adoption

 

Le tabou voit sa genèse lorsqu’aux yeux de certains payer pour adopter est une idée qui leur procure l’impression d’être contraints à acheter l’enfant. Ces adoptants évitent alors, par tous moyens, de penser, de parler de l’aspect financier de leur démarche.

 

Peut-être le vivent-ils comme une difficulté ou une injustice supplémentaire qui s’ajouteraient à celles de ne pouvoir procréer, pour la plupart du temps ?

Peut-être se voient-ils comme les victimes d’un système qu’ils auraient le sentiment de nourrir un tant soit peu malgré eux ?

Peut-être préfèrent-ils se comporter tout simplement « comme si » de rien n’était, balayant, voire déniant le « poids » de l’argent dans leur projet ?

Il arrive enfin que des imprévus administratives, juridiques ou politiques contraignent les adoptants à demeurer plus longtemps que prévu sur place, ce qui les engage à des frais supplémentaires, et entraîne parfois la nécessité de prendre un congé sans solde.

 

« L’adoption ce n’est pas pour les pauvres »

 

Une naissance biologique coûte cher, environ 15 000 €, payée par la collectivité. L’adoption elle aussi a un coût important. Pour une adoption dans le pays, comptez 7 000 à 8 000 euros, pour une adoption à l’étranger, les montants s’échelonnent entre 9 000 et 16 000 euros. (2)

Les pays d’origine qui proposent des enfants réclament aux pays qui veulent adopter une forme de coopération humanitaire.

Il est vrai qu’adopter un enfant à l’étranger coûte de plus en plus cher. Dans l’argent réclamé aux familles par l’AFA ou les organismes autorisés pour l’adoption (OAA), il y a un certains nombre de frais fixes, qui peuvent se justifier : voyage, logement, traducteurs, démarches administratives, avocats… Mais les familles se trouvent parfois soumises à des frais supplémentaires qui peuvent être sujets à caution. Notamment ceux destinés à payer les « intermédiaires ». (3)

 

Il y a ici un problème, car en versant des sommes aussi colossales à des pays où les revenus sont si bas, on est en train de créer un appel d’air et d’inciter les familles à l’abandon. Surtout, peut-on construire une relation avec un enfant sur la base d’une transaction ?

Chez les adoptés adultes cette question est très souvent évoquée : « Certains ont le sentiment d’avoir été achetés. Créer des liens familiaux dans ce contexte est difficile », souligne David Hamon, président de « Racines coréennes ». Tous les enfants adoptés demanderont un jour combien ils ont coûté et il faudra alors que leurs parents leur réponde droit dans les yeux, sans hésiter, qu’ils n’ont pas été monnayés.

 

 

 

 

 

 

Notes :

 

(1) Convention de la Haye : Convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Voir texte intégral de la Conférence de la Haye de Droit International Privé.

 

(2) Mon argent, Quel est le coût d'une adoption ?, [en ligne]. Disponible sur : http://monargent.lecho.be/budget_et_temps_libre/budget/Quel_est_le_cout_d-une_adoption-.8286960-2223.art

 

(3) LEGRAND Claire. La Croix.com, Des associations dénoncent l'emprise de l'argent sur

l'adoption, [en ligne]. Disponible sur :

http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2351308&rubId=4076 .

 

 

 

 

 

 

 

Retour à la page d'accueil

 

 

 

 

CONCLUSION GENERALE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion générale :

 

Le débat concernant le prix de la vie humaine  relèverait de la dignité humaine, mais découvrir si la vie est maladroitement surestimée ou infiniment sous-estimée, ou le contraire, représente un enjeu bien plus grand.

La valeur de la vie semble donc, pour prendre réellement parti, n'être qu'une grimace de l'Homme à ses pulsions les plus basses, sa réponse arbitraire à différents instincts, à différentes situations ou à différents lieux.

 

Qu’est ce qui fait la valeur d’un être humain ? Les réponses sont nombreuses et varient selon les siècles, les cultures et les opinions de chacun.

Avons-nous réduit la valeur de l’humain à son travail, à sa productivité ? Certainement pas me répondra-t-on… J’aimerais le croire mais…

Qu’est ce qui fait la valeur d’un humain ? Sa bonté ? Sa beauté ? Son intelligence ? Sa créativité ? Ne vaut-il plus rien, cet Homme malade en attente d’une transplantation d’organes ? Vaut-il plus cher cet enfant dont la beauté est grande ? L’intimité des prostitués ne vaut-elle pas plus que ce qu’elles font payer à leurs clients ?

 

Comment définir le prix d’une vie ? Qu’est ce qui fait la valeur d’un humain ? Notre réponse à ces questions détermine toutes nos relations à l’autre…

Les êtres humains, sont aujourd’hui "chosifiés", "marchandisés". Ayant perdu une grande partie de leurs valeurs symboliques, ils sont réduis à une fonction hygiénique.

Toute notion morale, au sens large, est évacuée des termes, au profit de la seule dimension économique. Et l’économie étant devenue la seule loi, l’autorité suprême de nos sociétés, qui s’aviserait de discuter ?

 

Le corps humain est inaliénable. Les lois françaises sur la bioéthique en interdisent la commercialisation. Les organes, par exemple, sont dit indisponibles.
Elles précisent que le consentement des personnes ne suffit pas à valider ces actes.

Cependant, tous les pays du monde ne fonctionnent pas comme cela. Pour certains le corps humains est une issu de secours, il permet de gagner de l’argent, parfois beaucoup d’argent… Une issue à la misère ?

Pouvons-nous imaginer que notre monde soit dicté par la seule valeur monétaire du corps humain ? L’argent et le corps pourraient être deux sujets indissociables ?